Impacts de l’abandon sur l’intégration socioprofessionnelle

Said BENATALLAH1

1 Etudiant 3ème année du cycle doctoral, Université de Mohamed V Rabat Maroc.

Email: said.benatallah@gmail.com

HNSJ, 2022, 3(10); https://doi.org/10.53796/hnsj31011

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Publié le 01/10/2022 Accepté le 11/09/2022

Résumé 

Nous avons consacré cet article au traitement de l’impacts de l’abandon sur l’intégration socioprofessionnelle en termes de facteurs qui influent sur l’intégration socioprofessionnelle, motifs de l’abandon et types d’abandon. On constate que le phénomène de l’abandon est dû principalement à des conditions socio-économiques, à la faiblesse des valeurs morales et à la vulnérabilité psychologique. Il est caractérisé par, la souffrance de ces enfants au niveau étiologique, la stigmatisation sociale et une période de développement psychique. Notre analyse révèle que l’avidité émotionnelle est une conséquence de l’abandon, cependant, il est clair que les déficits émotionnels ne sont pas la seule conséquence , car il existe aussi un manque de confiance en soi qui impacte fortement l’intégration socioprofessionnelle. Elle affecte l’image que nous avons de nous-mêmes dans l’enfance et tout au long de notre vie. toutefois, une conséquence négative secondaire est qu’elle empêche l’établissement de certaines relations dans le monde réel. Un autre aspect révélé par notre analyse théorique est que, les enfants qui ont été abandonnés se sentent souvent impuissants et incapables d’accomplir des performances régulières. Par conséquent, ils éprouvent des difficultés à se projeter dans l’avenir. Parce qu’ils ne peuvent pas croire en leur propre potentiel, ils ne s’intègrent souvent pas à l’école et cet état d’inconsistance et d’impuissance exacerbe les changements négatifs dans leur estime de soi.

Dans cet article, nous proposons une analyse synthétique des travaux les plus pertinents sur l’impacts de l’abandon sur l’intégration socioprofessionnelle. Après avoir traité les définitions utilisées par les chercheurs pour le concept de d’abandon, nous analysons, les facteurs clés qui influent sur l’intégration socioprofessionnelle des enfants abandonnée, les domaines affectés par l’abandon et les méthode pour contrôler ses facteurs.

Mots Clés: Abandon, intégration, Sociale, professionnelle

Research Article

Impacts of abandonment on socio-professional integration

Said BENATALLAH1

1Third year student of the doctoral cycle, University of Mohamed V Rabat Morocco.

Email: said.benatallah@gmail.com

HNSJ, 2022, 3(10); https://doi.org/10.53796/hnsj31011

Published at 01/10/2022 Accepted at 11/09/2022

Abstract

We have devoted this article to the treatment of the impacts of abandonment on socio-professional integration in terms of factors that influence socio-professional integration, reasons for abandonment and types of abandonment. We notice that the phenomenon of abandonment is mainly due to socio-economic conditions, weak moral values and psychological vulnerability. It is characterized by the suffering of these children at the etiological level, social stigmatization and a period of psychological development. Our analysis reveals that emotional greed is a consequence of abandonment, however, it is clear that emotional deficits are not the only consequence, as there is also a lack of self-confidence that strongly impacts the socio-professional integration. It affects the image we have of ourselves in childhood and throughout our lives. However, a secondary negative consequence is that it prevents the establishment of certain relationships in the real world. Another aspect revealed by our theoretical analysis is that children who have been abandoned often feel helpless and unable to perform on a regular basis. As a result, they have difficulty projecting themselves into the future. Because they cannot believe in their own potential, they often do not fit in at school and this state of inconsistency and powerlessness exacerbates negative changes in their self-esteem.

In this article, we propose a synthetic analysis of the most relevant work on the impact of dropout on socio-professional integration. After discussing the definitions used by researchers for the concept of abandonment, we analyze the key factors that influence the socio-professional integration of abandoned children, the areas affected by abandonment and the methods to control these factors.

Key Words: Abandonment, integration, social, professional

INTRODUCTION

L’abandon des enfants est désormais suffisamment un phénomène de société couvert largement par les médias, mais pas toujours de la meilleure façon, ce qui nous a sensibilisés à nous intéresser à cette question et à en débattre ouvertement. Un constat : Malgré l’expansion de l’information et la sensibilisation du public, des enfants sont abandonnés chaque jours dans le monde entier. Certes, les dispositions ont changé pour que les enfants abandonnés soient immédiatement pris en charge, mais ne semblent pas suffisantes. Ce phénomène est international, en témoigne les boîtes à bébé, apparues d’abord en Allemagne puis en Suisse, qui permettent aux enfants abandonnés d’être placés dans des centres d’adoption au bout de quelques semaines. Le Centre marocain des droits de l’Homme pour sa part a indiqué dans un communiqué publié en 2017 que plus de 100 naissances d’enfants de pères inconnus sont enregistrées quotidiennement(CNDH, 2017). Cependant les chiffres sur l’abandon d’enfant sont rarement publiés au Maroc seul le tissu associatif demeure la principale source d’information ,153 bébés naissent hors mariage dont 24 sont abandonnés à la naissance(Une tragédie silencieuse , 2016). Par ailleurs, le royaume compte plus de 1300 Etablissement de protection sociale dont 45 pour enfants en situation difficile, 58 “Dar Atfal” (maison de l’enfant) et 49 pour enfants abandonnés. Selon l’Entraide nationale, ces centres bénéficient à 115 000 personnes dont 10% d’orphelins et 9% d’enfants issus de divorces, de père ou de mère inconnu(e) ou purgeant une peine de prison(Rapport Général sur les établissement de protection sociale au Maroc, 2013)[1]. Un fait est sûr, l’abandon touche de nombreuses personnes et touche leur sensibilité. Cependant, en raison de cette sensibilité, la situation des enfants abandonnés n’est pas toujours facilement déchiffrable, non seulement d’un point de vue émotionnel, mais aussi en termes d’adaptation à laquelle ces derniers sont confrontés. (Bowlby, 1954). Même les parents les plus aimants et les mieux intentionnés ne sauraient suffire à guérir les blessures de l’abandon, de la vie dans un orphelinat, de la séparation. Pour d’autres, en revanche, l’avenir sera heureux et ils auront la possibilité de créer un avenir émotionnellement équilibré. Chaque abandon est différent, mais l’enfant reste bien souvent confronté à une situation déchirante et subit un choc émotionnel et psychologique. Ainsi, nous retrouvons régulièrement, tant dans la population psychiatrique juvénile que dans les Centres d’accueil, des enfants profondément perturbés qui ont vécu des situations apparemment différentes, mais assez semblables dans leurs effets.

À la lumière de ces situations que nous avons mentionnées, nous analyserons les points ci -après  :

– D’un point de vue étiologique, de quoi ces enfants souffrent-ils ?

– D’un point de vue symptomatique, quels sont les symptômes et quelle sera l’évolution du phénomène si nous ne les aidons pas ?

– Quels sont les drames de la parentalité qui ont empêché les mères et les pères de s’investir dans leurs enfants ?(plutôt ce focaliser sur les causes au contexte marocain :relations sexuelles hors mariages. ect

– Quels impacts, l’abandon peut-il revêtir sur leur intégration socioprofessionnelle ?

  1. DÉFINITION DES DIFFÉRENTS TYPES D’ABANDONS.

L’abandon peut se produire de différentes manières. Chacun peut être différent, mais tous les types d’abandons peuvent affecter les personnes dans des domaines similaires. Selon Michel Lemay, il existerait trois formes d’abandon : La première, la plus spécifique, est l’abandon affectif dû à l’absence d’un parent occupé à travailler. Ce dernier n’est pas toujours en mesure de maintenir une certaine durée de temps avec l’enfant. Ce type d’abandon est plus fréquent dans le cas des mères célibataires dont les relations sont instables et éphémères, et qui sont confrontées à des problèmes financiers ou qui vivent un divorce. La présence de la mère est parfois trop faible, ou parfois trop étouffante. C’est-à-dire trop pour l’enfant, si celui-ci ne reçoit pas régulièrement l’amour dont il a besoin. Ainsi, cette instabilité peut impacter le comportement de l’enfant. Dans la plupart des cas, ce type d’abandon est une répétition de ce que les parents (les mères) ont vécu eux-mêmes (Lemay,1994) Le deuxième type d’abandon intervient lorsque le parent est incapable de s’occuper de l’enfant. Ainsi, l’enfant passera d’un endroit à l’autre si souvent qu’il sera impossible d’établir une relation stable ; chaque nouveau placement conduisant à un « dernier espoir d’intégration ». (Lemay,1994 pp.5-6) Par conséquent, la méfiance de l’enfant apparaît lorsqu’il s’agit d’établir des relations avec les autres. Il s’établira une certaine distance entre lui/elle et les autres. Dans ce cas, il s’agit d’un abandon complet et physique (Lemay,1994, pp.6). Le troisième type peut être qualifié de « semi-abandon » (Lemay,1994, pp.6). Cet abandon concerne les familles qui, possédé une certaine aisance prospérité, et sont trop parfois occupées à travailler pour être près de leurs enfants. Par conséquent, l’enfant est élevé, par d’autres personnes (employés…). Ces enfants bénéficient de tout ce qu’ils veulent, y compris d’objets coûteux et de toutes sortes de divertissements. Cependant, en raison de l’absence des parents et de l’instabilité des personnes s’en occupant, ils sont soumis aux « mêmes discontinuités émotionnelles que celles citées auparavant ». De fait, la « propriété familiale » cache le manque de soins et d’affection des parents envers les enfants (Lemay,1994, pp.6). Il existe de nombreuses formes d’abandon. Elles ne sont pas toutes semblables, mais les conséquences pour ceux qui en subissent l’expérience à des degrés plus ou moins divers sont relativement similaires. Dans notre article, nous nous intéresserons plus spécifiquement à la situation de l’abandon, qui est marquée par l’absence d’un ou des deux parents biologiques d’un enfant.

    1. LES MOTIFS DE L’ABANDON 

Autant la venue d’un enfant est un évènement sacré, autant la société peut être impitoyable pour les naissances qui n’ont pas obéit aux règles et aux considérations sociales. C’est ainsi qu’un enfant né d’une grossesse hors mariage est rejeté par la société. Souvent, des jeunes filles, espérant le mariage, se laissent enliser dans une relation douteuse ce qui aboutit à une grossesse non désirée et un père qui refuse d’assumer ses responsabilités. Ces mères célibataires, sont souvent chassées par leurs familles et n’ont aucune issue de secours sauf celle de s’enfuir vers une autre ville, pour accoucher en cachette. Parmi les mères célibataires on retrouve des ouvrières, des femmes de ménage, des lycéennes et des étudiantes. Ces filles sont souvent âgées de 16 à 34 ans. L’enquête de l’association « Insaf » démontre que 50 % de ces mères célibataires ont été victimes d’une promesse de mariage non tenue, tandis que 28% d’entre elles avouent que la grossesse est survenue à la suite d’une relation amoureuse. La prostitution arrive en troisième place avec 14%, suivie du viol avec 8%(unicef, 2014).Notons également les cas des enfants nés d’une relation incestueuse, les dossiers de ce genre d’affaires sont souvent sous le secret judiciaire de cas d’enfants déclarés comme abandonnés sont bel et bien des enfants nés de l’inceste. Aussi, le divorce et la séparation des parents, la mort d’un ou des parents, sont également des causes de l’abandon. Il faut enfin noter que la découverte d’un handicap chez l’enfant dès l’accouchement, la mort de la mère en couche, ne constituent pas seulement un motif d’abandon mais aussi un facteur de stigmatisation qui consiste à considérer ces enfants de par les circonstances de leur venue comme des porte-malheur. Les enfants issus de ce genre de drame sont condamnés à vivre en marge de la société, privés, qui plus est, d’un nom de famille. On peut donc déduire de qui précède que le phénomène de l’abandon est dû principalement à des conditions socio-économiques, à la faiblesse des valeurs morales et à la vulnérabilité psychologique.

  1. LA SOUFFRANCE DE CES ENFANTS, AU NIVEAU ÉTIOLOGIQUE.

Parmi les mammifères supérieurs, le plus grand intervalle entre la naissance biologique et l’incubation cognitive est celui des humains. Si avant la naissance, il a déjà reçu un flux de sensations qui enregistrent un engramme qui devient mémoire, et si les représentations, déjà dès le début de son existence, entraînent certaines réactions vis-à-vis de l’environnement, si avant la naissance il a déjà rêvé et s’est donc créé en tant qu’image, alors lorsqu’il vient à la vie, tout cela n’est qu’une confusion et une fusion et il devra commencer un long processus de séparation et d’individuation. La séparation signifie et veut qu’il devra se percevoir comme différent des autres, et l’individuation signifie qu’il doit développer progressivement ces caractéristiques uniques qui feront de lui une entité unique parmi d’autres entités portant l’empreinte de l’individualité. Le rôle de l’environnement est de ce fait d’accompagner cet être mature et de lui permettre de se construire une colonne vertébrale psychique. Une colonne vertébrale psychique, pourquoi  ?

    1. QUE SIGNIFIE CETTE DERNIÈRE EXPRESSION ?

On ne peut pas exister, puis dialoguer, sans se reconnaître dans son corps, dans les limites de sa peau, dans son intérieur et son extérieur, dans son sexe, dans toutes ses fonctions sensorielles (vue, ouïe, toucher, goût, douleur, plaisir, odorat…) qui vont aider l’enfant à recevoir, intégrer et organiser lentement son monde spirituel, dans sa motricité qui lui permet de s’explorer progressivement et d’explorer son environnement. Il est impossible d’exister, d’interagir, sans être conscient. Pour faire de ce corps un creuset de l’existence, il faut le nourrir, le caresser, le sentir, le prendre, le laisser partir, l’aimer, mais pas l’enfanter. Cela ne peut se faire que par des rencontres avec des adultes stables qui aiment profondément sans les surcharger de stimuli impossibles à assimiler et qui ne leur permettent pas de vivre les longues périodes d’absence nécessaires à l’émergence du désir. Nous pourrions en ce sens évoquer l’ipséité.[2]

On ne peut pas non plus exister et interagir sans être en sécurité absolue dans un berceau, une maison, un quartier, un lieu si profondément ancré dans le sol familial que la relation parent-enfant ne fait plus de doute. Il faut connaître une ligne de temps identique dans laquelle la tension et la relaxation se répètent rythmiquement, dans laquelle les souvenirs sont stabilisés sur plusieurs jours par les soins et l’alimentation des enfants, et où la continuité est absolument certaine. C’est l’honneur qui distingue le présent, le passé et le futur. (Mougel, 2022). Si l’on découvre impuissant les phases de solitude et de frustration, les moments imparfaits où l’on a une conscience aiguë de son existence limitée, faible, mortelle et imparfaite, alors l’anxiété qui en découle, celle qui déclenche le mouvement créatif en soi, doit être atténuée et régulée par la présence inconditionnelle de ses parents, devenus si déterminants. Même en l’absence de parents, ces derniers restent enfouis en nous, comme des objets intérieurs qui nous guérissent, nous réconfortent et nous guident par leurs lois. De cette manière, l’objet intérieur omniprésent est capable de recueillir d’autres influences provenant des rencontres successives de la vie. À ce titre, la capacité de socialisation future dépend de cette racine, (Burlingham, et Freud, 1944). À partir de ces expériences majeures, et grâce aux progrès de la maturation biologique, l’enfant va développer des mécanismes de défense et d’adaptation afin d’affronter seul les inévitables pressions de la vie. Entre autres, l’invocation d’images auxquelles l’univers peut être attribué, comme l’attente de l’amour, la tristesse, la joie et la déception, est fondamentale pour l’équilibre futur de l’enfant. Puisque les désirs ne peuvent être pleinement réalisés et que les risques ne peuvent être totalement évités, une vie imaginaire et illusoire est alors créée afin de répondre à des attentes impossibles de manière illusoire. (Mougel, 2022). Cette vie imaginaire et illusoire est à l’origine de nombreux comportements, de nombreux souvenirs et de nombreuses réalisations. Elle constitue la base et le cadre des futurs processus symboliques. Ceux-ci sont liés à une culture particulière, mais sont transmis par les signaux et les messages constants des parents, qui invitent l’enfant à leur parler en prévision des possibilités futures. De cette façon, l’enfant entre dans le monde du langage, du jeu et de la représentation graphique, définissant et exprimant son environnement et son scénario interne. Il est ainsi prêt à enrichir ces expériences et ces connaissances par des expériences au jardin d’enfants, à l’école et dans les loisirs, (GUEX, 1973). Cet enrichissement ne peut être obtenu que par un environnement intégré qui non seulement fournit le matériel nécessaire à la réflexion, mais aussi l’organise et permet l’exercice des processus cognitifs de mémoire, d’analyse, de regroupement de données, de synthèse, de jugement et d’abstractions selon le stade de maturité qui caractérise le cheminement de l’individu. À partir de cet aperçu du développement physiologique, il est évident que certains enfants ne sont pas toujours en mesure d’expérimenter le continuum émotionnel tel que nous venons de le décrire. Les mots « j’ai aimé, j’aime, j’aimerai » peuvent être symptomatiques d’effets sur le corps, l’espace, le temps, la capacité à travailler avec l’environnement, les mécanismes de gestion du stress, les relations avec des individus spécifiques, la vie imaginative et fantasmatique, le langage et les autres formes symboliques de communication, le développement intellectuel, l’intériorisation des inhibitions, la construction de valeurs… L’enfant est susceptible de présenter des symptômes touchants, (Burlingham, et Freud, 1944). Ce sera l’objet de notre prochain paragraphe.

    1. LES MANIFESTATIONS ET LES ÉVOLUTIONS POSSIBLES SUR LE PLAN SYMPTOMATIQUE

D’une manière générale, les enfants abandonnés présentent des symptômes inquiétants plus ou moins présents dès leur plus jeune âge. Ainsi, ils peuvent osciller entre une période de repli sur soi, avec des comportements auto-érotiques tels que des balancements incessants et des gestes répétitifs, et une période de rébellion, au cours de laquelle l’enfant pleurera, cherchera la fusion, évitera le regard, révélant de par ce fait un enfant anxieux d’interagir avec son entourage. Les modes alimentaires, les troubles du sommeil et la stimulation motrice affectent aussi un environnement familial déjà inadéquat pour soutenir la phase de développement. Les retards dans les activités de langage et de jeu, le manque d’harmonie dans l’acquisition des gestes, les différences d’humeur et les périodes de détresse inexpliquées se manifestent. Ils reflètent un état de détresse global qui, s’il n’est pas identifié et corrigé, peut préfigurer la forme future du syndrome déficitaire, (Mougel, 2022).

Cette image devient d’autant plus évidente lorsque l’enfant entre dans la classe de l’école maternelle, c’est-à-dire lorsqu’il devra mettre en œuvre et utiliser des compétences de socialisation. Ce qui les caractérise est l’avidité émotionnelle de ces enfants, qui sont toujours décrits par les personnes concernées comme de petits « mangeurs d’amour ». Ils essaient d’absorber l’adulte, indifférenciés, dans leur temps, leur espace, leurs possessions. Ils se sentent dévorés et avalés, mais paradoxalement, ils n’acceptent pas encore l’expression d’affection souhaitée, ce qui conduit au phénomène de séparation. Tout cela se passe comme si l’enfant, blessé par l’amour-propre, ne pouvait pas digérer les démonstrations d’affection et de respect. Il veut tout avoir, mais n’a rien de tout ça. Cela s’étend non seulement aux personnes, mais aussi aux choses qu’il a faites et reçues. Cet effondrement fait qu’il en veut à son entourage et le blesse, résulte de plusieurs facteurs. Il y a un manque en la matière, et tout ce qu’il peut saisir est minime par rapport à ce qui lui est donné ou à lui-même. Comme une personne en état de famine, les manifestations d’affection et l’attention particulière qu’on lui porte provoquent des besoins non satisfaits, et au lieu d’un parent aux attentes élevées, il a une hostilité née de l’accumulation de déceptions passées.

La « discontinuité relationnelle » n’a pas seulement provoqué une insatisfaction de masse. Elle marque progressivement le sujet comme une personne indésirable. Cette impression d’un avortement raté, d’un accident de l’existence, provoque en l’enfant, mais aussi chez l’adulte qu’il deviendra une énorme sous-estimation et donc le sentiment d’être une mauvaise personne.

Pour arrêter cette plaie de l’indésirable, trois phénomènes se manifestent. Le tableau clinique prend une couleur différente selon l’importance de l’un d’entre eux. Ainsi, l’enfant abandonné, qui n’a eu ni mère ni père satisfaisant, construit en lui l’image d’un bon père tout-puissant, quelque part dans son monde intérieur, capable de guérir la blessure initiale et en même temps de se moquer de la rencontre réelle avec un adulte qui essaie d’être important. Le deuxième phénomène est la recherche obsessionnelle et constamment ratée de la personne idéale. La nouvelle personne qui apparaît dans sa vie, sans aucun sens critique, sans aucune distance, devient pour un instant le réceptacle des espoirs accumulés, et dans une rupture dramatique l’ancien ami est encore plus rejeté, car toute son hostilité lui est attribuée. Le résultat est que la rencontre, initialement présentée comme un salut, est sans cesse brisée par la violence.

Le troisième phénomène est la poursuite du bonheur par l’établissement d’une symbiose avec un univers minimalement différencié, comme la magie en rétrograde. Lorsqu’elle est petite, elle s’exprime par des demandes d’entrées sensorielles non satisfaites. Ces enfants peuvent dès lors être très vulnérables aux adultes pédophiles qui exploitent leur besoin de contact pour les séduire et les abuser. (Lawless, & Tarren-Sweeney, 2022). Nonobstant ces préoccupations, d’autres symptômes viennent s’ajouter à ce tableau général, comme une grande intolérance à l’insatisfaction et aux attentes, conduisant au développement d’une agressivité insupportable. La cupidité et le vide peuvent ainsi amener l’enfant à voler, à dérober de la nourriture et à réagir violemment avec les amis qui possèdent le jouet qu’il désire. L’anxiété causée par l’échec, le rejet nerveux des situations de compétition, le manque de radicalité à l’égard du passé et de l’avenir, la tendance à vivre le moment présent et le manque de croyance en son propre potentiel contribuent à entraver l’intégration scolaire, tandis que la situation de « mauvais » ou de « non capacité » exacerbe les changements dans l’estime de soi, (Lawless, & Tarren-Sweeney, 2022). Un tel descriptif témoigne de la gravité des conséquences de l’absence d’aide aux enfants abandonnées. Elle nous fait également comprendre le grand risque de répétition d’une génération à l’autre, puisque la barrière la plus profonde à la rencontre avec les autres n’est pas seulement le désir de rédemption, mais aussi l’empêchement d’une future parentalité.

    1. STIGMATISATION SOCIALE

La stigmatisation et l’exclusion des enfants sont encore répandues, nombreux sont les préjugés et jugements de valeurs véhiculés à l’égard de cette frange de population, les enfants abandonnés sont souvent traités de « Oulad lkhyrya »,« Oulad lhram »,« Oulad ezzna », «Allakit», » « Bâtards », « Enfants de prostituées ».Ces enfants ne sont donc pas perçus comme des victimes ou comme des enfants dont on a violé les droits, ils sont « souvent rejetés par la société voir même par les familles »,ils souffrent d’autant plus dès qu’ils mettent les pieds en dehors de l’institution. Ils sont pris souvent à partie dans les écoles où ils suivent leur scolarité ainsi que dans les clubs de sport qu’ils fréquentent par ce qu’ils sont des enfants de parents inconnus. Et cela les détruit de l’intérieur. Ils se plaignent des insultes et des remarques blessantes des autres enfants. Pis encore, il a été quelques fois noté que certains parents de leurs camarades en classe demandent souvent au directeur de l’école et aux enseignants de ne pas mettre leurs enfants à côté d’eux. Ces enfants sont pointés du doigt même dans le quartier où se trouve l’institution d’accueil (Unicef, 2014).

    1. PÉRIODE DU DÉVELOPPEMENT PSYCHIQUE :

Selon Michel Lemay, pour qu’un enfant se développe psychologiquement, c’est-à-dire pour qu’il devienne mature, ce dernier aura besoin de beaucoup de soutien de la part de certains adultes stables. (Lemay, 2015). Ces derniers lui donnent de l’affection et l’accompagnent dans son développement. Si l’enfant n’est pas entouré de parents aimants, la découverte et le dialogue n’auront pas lieu. Pour cette raison, le développement psychologique de l’enfant se construit en vivant dans un espace structuré, stable et « sûr » (Bonnet et al., 2019). Cet environnement permet à l’enfant de se sentir en sécurité. Lorsqu’il est anxieux, les parents doivent être présents pour le rassurer. Même s’ils ne sont pas là en personne, l’enfant se sent réconforté et soutenu par la relation établie. Ils restent enfouis en eux-mêmes comme des objets internes pour calmer, réconforter et diriger leurs lois, (Bonnet et al., 2019).Les relations établies à ce stade permettent à l’enfant d’affronter divers obstacles tout au long de sa vie. Elle lui assure également le développement de bonnes relations sociales et familiales. L’adaptation et la défense de l’enfant acquièrent alors ces deux aspects que l’enfant pourra mettre en pratique à un moment donné.  Au contraire, à en croire la théorie de Michel Lemay, «un enfant, n’ayant pas bénéficié de marque d’intérêt ou d’affection d’une personne stable, peut être affecté dans divers domaines tels que la capacité à s’exprimer, la capacité à maîtriser ses angoisses, la tendance à s’imaginer un idéal de vie, les relations sociales et professionnelles, l’image de soi, (Lemay, 2015).

  1. IMPACTS SUR L’INTÉGRATION SOCIOPROFESSIONNELLE

Les études sur les enfants abandonnés révèlent qu’ils présentent un comportement social spécifique à la sous-classe et que les adultes ont une difficulté à établir des relations sociales et à exercer des rôles parentaux, ce qui affecte toute leur vie familiale et sociale (Toussaint et al., 2018). En ce qui concerne les troubles affectifs émotionnels, de la personnalité ou du comportement, les études montrent qu’ils trouvent leur origine dans le processus de socialisation, mené dans les institutions de protection sociale, dans lesquelles les méthodes de discipline ont prévalu par des punitions, des menaces, des insultes en raison de la faible augmentation du comportement affectif-émotionnel, des contacts émotionnels hostiles et froids, et en raison de l’accumulation de diverses carences affectives au fil du temps (Roth, 2018). Aussi, une autre caractéristique peut être le manque d’attachement ou l’attachement désorienté auquel les enfants sont exposés pendant la période d’abandon (Bowlby, 1954). Ce développement d’un attachement désorienté recoupe une structure de personnalité caractérisée par une immaturité affective et émotionnelle, qui induit un faible développement des sentiments et une incapacité à développer des relations affectives, se manifestant par l’isolement, le retrait ou le rejet. Une étude entreprise en 2016 sur un échantillon de 90 sujets (Wratny, & Ludera-Ruszel, 2020). ) a cherché à identifier les caractéristiques personnelles et de groupe, ainsi que les facteurs qui influencent l’intégration socioprofessionnelle des jeunes abandonnés . Les données révèlent quelques caractéristiques : la faible préparation à la vie, la structuration des relations d’amitié et d’entraide, la promiscuité sexuelle, l’homosexualité, les comportements déviants formés dans les institutions et développés (le vol est devenu une occupation et un mode de vie pour une grande partie des sujets). En ce qui concerne leur intégration du marché du travail (une situation rencontrée chez la plupart des sujets), les explications sont différentes : les jeunes ont mentionné les attitudes négatives et la réticence des employeurs à embaucher des personnes issues du système de protection ; les employeurs interrogés ont cité la mauvaise formation des jeunes au travail, le manque d’attitude responsable par rapport à un programme de travail organisé et aux tâches liées à l’occupation d’un emploi. Une autre étude, menée entre octobre 2017 et janvier 2018 par l’Université d’Oradea, Département de sociologie et d’assistance sociale, a inclus 206 jeunes et a mis en évidence les points suivants : les personnes qui ont le moins de chances de s’intégrer socialement et professionnellement sont celles qui ont par le passé été abandonnées; les jeunes qui n’ont pas reçu de soutien de la société, qui n’ont pas développé de relations d’attachement à une personne de référence qui pourrait être pour eux un modèle positif, ceux qui n’ont pas de pratique professionnelle permanente, un mode de vie communautaire, développant le même type de vie et de comportement de groupe, « la bande » ; la majorité croit que leurs défauts sont dus au système de protection qui les a abandonnés à l’âge de 18 ans et à la société qui les a étiquetés et rejetés ; les jeunes femmes font généralement ce que leurs parents ont fait, elles reproduisent leur comportement, donnant naissance à un grand nombre d’enfants, et même si elles acceptent de les élever (souvent seules), elles n’ont pas les compétences nécessaires pour s’occuper des enfants ; les plus grands problèmes pour élever les enfants et s’occuper des familles ont été invoqués les jeunes, confrontés aux plus grandes difficultés financières  (Chipea, 2010). Une étude de 2011 qui ciblait les bénéficiaires du projet « Jeunes pour la société » de la Felix Family Foundation (Sava et Szabo, 2011) a révélé ce qui suit : la plupart des jeunes interrogés sont enclins à l’intégration dans des sous-cultures fermées, avec un faible capital social ; l’intégration sociale est considérée comme souhaitable, « une bonne chose », les principaux éléments de l’intégration sont représentés par la possibilité de conserver un emploi et un logement, mais sans connaître ou s’intéresser aux moyens d’atteindre ces objectifs ; les personnes de référence, celles qui sont perçues comme ayant un rôle important dans le développement des jeunes sont les « parents », les « amies » ou les collègues de travail. Les résultats obtenus dans une enquête réalisée en 2012 (Oşvat et Marc, 2013) indiquent le besoin de soutien émotionnel, de communication et de développement de la confiance en soi des jeunes et il confirme le rôle significatif des ONG dans l’intégration des jeunes, l’importance de l’éducation et du soutien apporté par les pairs, les professionnels, les personnes proches.

    1. LES DOMAINES AFFECTÉS PAR L’ABANDON

Selon Michel Lemay (2015), l’impact sera plus prononcé au niveau social, car les enfants sont repliés sur eux-mêmes et ne peuvent pas établir de relations avec leur entourage. Mais d’autres conséquences sont également remarquables, bien que moins fréquemment. Par exemple, ils peuvent éprouver des difficultés à manger ou à dormir correctement. La communication est également difficile. Et d’une manière générale, le comportement de l’enfant tendra à être erratique. En effet, leur douleur peut s’exprimer de différentes manières, (Lemay, 2015). Dans les premiers stades de sa socialisation, l’enfant veut exprimer son affection. Ses besoins émotionnels sont incessants. Cependant, il n’accepte pas activement les gestes d’affection et s’en éloigne. On a l’impression que la situation est telle qu’il ne peut l’accepter. Cette confusion est due à l’éveil de certains désirs inassouvis du passé et du présent. Ces derniers, dans ce cas, sont l’affection, la tendresse et la présence que l’enfant doit recevoir au cours de son développement. Ce sont des territoires inconnus pour l’enfant, ce qui fait qu’il est incapable de comprendre certaines situations. Par conséquent, l’enfant en question peut difficilement former des liens. Une telle déconnexion est très désagréable et fait du mal à l’entourage. Michel Lemay affirme que les déficits émotionnels ne sont pas la seule conséquence, car il existe aussi un manque de confiance en soi qui impactera fortement son intégration professionnelle. Elle affecte l’image que nous avons de nous-mêmes dans l’enfance et tout au long de notre vie. L’abandon qu’il aura subi dans son enfance ne lui aura pas donné la confiance en soi dont il avait besoin. Au lieu de cela, il se sent sans valeur aux yeux des autres. Dans ce cas, l’enfant est affecté par le sentiment de ne pas être important et a une image négative de lui-même.

Afin de mieux contrôler et de minorer cette « énorme sous-estimation », (Michel Lemay, 2015) nous propose trois méthodes tout en précisant que « cela dépend de l’individu ».

La première est le fantasme des parents d’atteindre une sorte de perfection. Les enfants abandonnés utilisent cet idéal illusoire pour rendre le traumatisme psychologique supportable. Cependant, une conséquence négative secondaire est qu’elle empêche l’établissement de certaines relations dans le monde réel, c’est-à-dire qu’elle « ridiculise les rencontres réelles avec les adultes parce qu’ils n’atteignent pas l’idée de perfection des parents imaginés ».

La deuxième est la recherche futile et violente de la « personne idéale ». Dans la nouvelle rencontre, il y a enfin la possibilité de rencontrer la personne tant attendue. Cette pulsion récurrente, qui apparaît à chaque rencontre, n’a aucune valeur pour la relation qui s’est établie jusqu’à ce moment. Cette relation est terminée et dissoute par un abandon agressif. La succession de nouvelles rencontres conduit ainsi à la perte du lien précédent.La troisième est l’exploration d’un état d’euphorie qui survient dans un monde où les émotions et les désirs sont mal interprétés et partiellement construits par l’imagination. Dans l’enfance, le besoin de contact n’est jamais satisfait. Il se peut qu’ils ne soient pas en mesure de faire la distinction entre un contact qui est sain pour lui et un contact qui est malsain, et qu’ils ne soient pas en mesure de fixer des limites pour les types de situations qu’ils peuvent malheureusement rencontrer. Cet état peut se perpétuer à l’âge adulte. Le sujet satisfait son manque d’affection non pas avec la réalité des relations sociales, mais avec des biens matériels. Comme ses besoins ne sont pas satisfaits, il les satisfaire à l’aide d’addictions qui pourvoiront à ses besoins. En complément de ces recommandations, Michel Lemay, (2015) estime qu’il reste important de minimiser l’image de l’enfant à problèmes. Chaque échec est considéré comme une honte et l’enfant se trouve dans un état d’inhibition et d’anxiété. Les enfants qui ont été abandonnés se sentent souvent impuissants et incapables d’accomplir des performances régulières. Par conséquent, ils éprouvent des difficultés à se projeter dans l’avenir. Parce qu’ils ne peuvent pas croire en leur propre potentiel, ils ne s’intègrent souvent pas à l’école et cet état d’inconsistance et d’impuissance exacerbe les changements négatifs dans leur estime de soi.

L’enfant grandissant commence à avoir un comportement inhabituel, y compris une violence incontrôlée. Toutes ces conséquences du comportement des enfants se produisent lorsque l’enfant ne bénéficie pas du soutien d’un adulte. Nul doute qu’un enfant a besoin d’être entouré de personnes stables et aimantes pour revenir à la normalité.

  1. Modèle d’intégration des jeune défavoriser

Traditionnellement, l’intégration des jeunes dans la société est imaginée et institutionnalisée comme une séquence d’étapes : l’école, l’engagement dans une formation ou des études qui correspondent aux exigences de certaines positions professionnelles qui, à leur tour, fournissent un statut de citoyenneté. Cela correspond à un modèle standard de parcours de vie qui s’articule autour d’un statut d’adulte basé sur le travail rémunéré et la famille. Si de telles transitions linéaires n’ont jamais été la norme pour tous, elles sont de plus en plus remplacées par des transitions déstandardisées et prolongées qui non seulement prennent plus de temps à se réaliser mais sont aussi diversifiées et individualisées. Les jeunes ont de moins en moins la possibilité de s’appuyer sur des modèles et des orientations collectives, mais doivent prendre des décisions eux-mêmes et se sentent responsables de celles-ci malgré l’inégalité d’accès aux ressources, aux opportunités et à la formation. Les transitions sont également fragmentées dans la mesure où les étapes concernées peuvent devoir être retirées, tandis que les transitions en matière de formation de la famille, de logement, de partenariat ou de style de vie ne sont plus une conséquence logique de la transition vers le travail mais suivent leurs propres rythmes différents. Cela signifie que la vie des jeunes oscille entre l’autonomie et la dépendance, la jeunesse et l’âge adulte comme, de sorte que l’évaluation des transitions vers le travail, tant en termes de recherche que de politique, nécessite une perspective plus globale et qu’il peut être plus approprié de parler de “jeunes adultes” que de jeunes (Walther, Stauber et al., 2002 ; Lopez Blasco et al., 2003). L’éducation et le (non-)emploi jouent un rôle paradoxal dans ce processus. D’une part, les niveaux d’éducation s’élèvent et les difficultés d’entrée sur le marché du travail s’accroissent, facteurs qui ont contribué à des transitions prolongées et déstandardisées, d’autre part, la déstandardisassions renforce la vulnérabilité au chômage et entrave l’intégration socioprofessionnelle en raison du manque de trajectoires fiables et des risques inhérents aux mauvaises décisions. Alors que l’éducation et l’emploi ont été découplés, l’éducation et la formation ne fournissent plus de garantie, mais l’accumulation de compétences, de connaissances et de qualifications reste centrale pour assurer une carrière durable.

Dans cette situation de responsabilité individuelle accrue, la subjectivité individuelle a pris de l’importance, en d’autres termes : la pertinence de l’agence individuelle par rapport aux structures socio-économiques et institutionnelles est devenue de plus en plus visible ; la motivation à prendre une décision ou une autre : poursuivre des études ou les abandonner, s’adapter aux exigences du marché du travail ou attendre le bon emploi, construire une famille ou reporter la parentalité. Cela renvoie à une conception de l’intégration sociale qui correspond à l’interaction entre la structure et l’agence tout en impliquant (dans une perspective normative) l’idéal d’un équilibre (Giddens, 1984). La vie des individus est structurée par l’accès aux ressources et aux opportunités mais aussi par la manière dont ils perçoivent, interprètent et gèrent leur situation de vie. Dans la plupart des cas, les perspectives institutionnelles interprètent l’intégration sociale en termes d’inclusion sociale résultant de l’augmentation des qualifications et de l’intégration professionnelle. Cependant, l’intégration ne se produit pas de manière mécanique en plaçant les jeunes dans l’éducation ou le travail, mais dépend de décisions individuelles et d’un engagement actif dans la construction de sa propre biographie. La motivation, en tant que processus interne de prise de décision, peut être considérée comme la clé de cette interaction qui, pendant un certain temps, a été sous-estimée dans le processus d’élaboration des politiques d’intégration. (Walther et al., 2004).

La psychologie explique la motivation comme le résultat de la relation entre deux facteurs, les deux étant une condition sine qua non :

– la pertinence subjective d’un certain objectif pour l’acteur et

– l’importance du contrôle qu’il ou elle pense avoir sur la réalisation de cet objectif : ressources

et opportunités dans une perspective subjective ( Morris et al., 2022).

La relation entre la structure sociale et la motivation est claire : les personnes plus qualifiées disposent à la fois des ressources et des opportunités pour choisir des objectifs significatifs, tandis que les personnes peu qualifiées et disposant de faibles ressources familiales n’ont ni les moyens de faire face ni l’accès à des carrières subjectivement significatives. Se retirer des institutions formelles, abandonner l’éducation ou accepter une position de statut zéro peut être le seul moyen d’agir de manière autonome. Cela signifie qu’une telle perspective de l’intégration socioprofessionnelle des enfants a abandonnés ne doit pas se limiter à des critères institutionnels ou systémiques tels que les qualifications, l’emploi ou le revenu, mais doit inclure la satisfaction subjective qui peut, ou non, coïncider avec ces critères systémiques. Une telle perspective d’inclusion doit donc être étendue pour inclure les risques systémiques et subjectifs (Walther et al., 2002). En résumé, si l’on se place dans une perspective de cycle de vie comme le suggère Walther et al., (2002), l’inclusion durable des jeunes défavorisés doit être élargis à des parcours d’intégration sociale dont le travail est un élément clé, mais qui doit être subjectivement compatible avec les autres dimensions de l’intégration socioprofessionnelle.

À la fin de ce travail nous proposons un modèle d’intégration socioprofessionnelle, qui étudie l’impact de l’abandon sur l’intégration socioprofessionnelle et qui intègre une vision multidimensionnelle de l’intégration. Pour concevoir notre modèle (Figure 1) nous nous referons aux dimensions de l’intégration socioprofessionnelle illustrées par Walther et al., (2002). Ces dimension sont les problèmes scolaire, le manque de qualification, l’accès à la formation, abandonner la formation / les études, inadéquation formation/études, barrière à la rentrée sur le marché du travail, Citoyenneté partielle. Nous retenons également comme dimensions le manque d’accès aux opportunité et ressources comme évoquer par Lopez Blasco et al., (2003)

Figure 1: Modèle d’intégration des jeune défavoriser

Conclusion

Notre recherche théorique montre qu’environ les mêmes sujets qui, en 2016, vivaient dans la rue ou dans des foyers , se retrouvent dans des situation difficile actuellement. En outre, leurs enfants, même s’ils restent dans leur propre famille ou s’ils sont confiés à des institutions de protection de l’enfance, reproduisent le même type de culture et ont des comportements similaires. Par conséquent, le risque de reproduire le phénomène d’abandon est très élevé. L’intervention de l’Etat ou de la société civile pour l’intégration socioprofessionnelle des groupes vulnérables, se concentre principalement sur deux domaines : la fourniture d’un logement et l’aide à l’emploi. L’échec dans les deux directions est motivé, selon les recherches menées dans la mauvaise socialisation du système des enfant abandonnés, qui, en substance, n’a pas réussi à développer les compétences nécessaires à une vie sociale, n’a pas développé un sens de la responsabilité envers le travail, la famille et à sa propre vie. En outre, la socialisation négative, principalement motivée par les interactions quotidiennes entre les membres du groupe sans supervision étroite, génère un type de sous-culture déviante, des valeurs et des normes promues par la répétition de comportements déviants. Notre étude a révélé que la principale solution envisagée vise à changer la manière de réaliser la socialisation des enfants, en les impliquant davantage dans la formation des compétences de vie et le développement de l’estime de soi, en utilisant davantage la gestion de cas plutôt que de traiter les enfants de manière indifférenciée. Il serait nécessaire d’opérer la même approche dans le cas des adultes de cette catégorie, tant pour la formation et la gestion des ressources pour posséder des biens que pour développer des compétences pour l’inclusion dans des groupes de travail. « La réponse du système de protection à ces problèmes est, cependant, une réponse souvent inadéquate ». La motivation pour cela est le manque de personnel, l’intervention qui le plus souvent n’est pas celle faite sur mesure aux besoins et aux particularités du psycho-intellectuel de l’individu (Câmpan et al, 2010).

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(21) https://www.cndh.org.ma/fr

(22) https://www.unicef.org/

  1. https://www.unicef.org/
  2. Du latin ” ipso “, désigne l’ensemble des paramètres spécifiques à une personne,